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Le respect de la réglementation par les routiers - Le témoignage d’un militant

lundi 21 avril 2003

Un militant d’une grande Fédération d’Usagers des Transports, membre de la Commission des Sanctions Administratives en formation "Transports des Personnes et Transports des Marchandises" de sa région, témoigne du sérieux dont font preuve tant les pouvoirs publics que la profession dans le respect de la réglementation.


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Pour débattre : Que faire pour enrayer la prolifération des camions ?


Il est de bon ton de dire que les routiers en prennent un peu à leur aise avec les réglements et le Code de la Route.

Je voudrais apporter un témoignage sur le problème du respect des lois par les transporteurs routiers.

J’appartiens, au titre d’une grande Fédération d’Usagers des Transports, à la Commission des Sanctions Administratives en formation " Transports des
Personnes et Transports des Marchandises", qui se réunit régulièrement au siège de la Direction Régionale de l’Equipement de ma région.
La commission est présidée par un magistrat professionnel, par ailleurs
président d’un Tribunal Administratif.
Y figurent aussi, des patrons représentants les transporteurs routiers ( 3 fédérations : FNTR / UNOSTRA / TLF ), et des représentants syndicaux des
chauffeurs routiers.

Au début, je me demandais un peu ce que je faisais là, mais la Loi exige la présence d’Usagers, ce qui me vaut de traiter aussi les problèmes du Fret.
Très rapidement, j’ai compris qu’il s’agissait d’un magnifique poste d’observation sur les professions de la Route., qui sont beaucoup plus durement contrôlées que ce que je croyais.
Des garanties très sérieuses sont prises par les pouvoirs publics avant de délivrer des autorisations d’exploitation :
- Garanties financières proportionnelles à l’activité déclaré, donc au nombre
de copies conformes de la licence communautaire (une par véhicule en
circulation, le nombre de véhicules de la société pouvant être supérieur)
- Garanties techniques, désignation d’un attestataire de capacité agréé, etc
- Les véhicules sont soumis à des contrôles techniques annuels de la DRIRE très poussés (pas de bateaux poubelles chez les routiers, même si certains
voudraient y faire entrer les pavillons de complaisance)
- Le contrôle des disques (respect des vitesses, temps de conduite et de repos) est de plus en plus rigoureux (en 2004, les nouveaux chronotachygraphes électroniques infalsifiables seront obligatoires)
- La non présentation, SUR LE CHAMP, des disques au siège de la société, est un DÉLIT ! Pas question de présenter les disques 2 heures plus tard ou le lendemain, tout comme les bulletins de salaires.
- La plupart des sociétés de transport se sont équipées d’un lecteur automatique de disques

L’audition des contrevenants est suivie de délibérations à huit clos, et la profession est alors beaucoup plus sévère pour ses pairs, que moi même (en réalité, je me fais tout petit, et je vote toujours pour la sanction la plus faible, par principe).
Les sanctions administratives prises par la Commission ne préjugent en rien des suites pénales qui pourront être décidées par ailleurs et s’y ajouteront,
le cas échéant.
Les sanctions ne sont pas des plaisanteries. Elles consistent généralement à immobiliser un ou plusieurs véhicules, sur des durées pouvant atteindre 3
mois.
Financièrement, c’est parfois très dur pour les contrevenants.

Depuis que je suis présent, la Commission a déjà demandé la fermeture définitive d’une société d’autocars (environ 30 salariés). Rassurez-vous,
avant de voter, j’avais été rassuré par les syndicats : le marché est tel aujourd’hui qu’ils ont tous retrouvé très vite du travail.

Dans une région, la Commission a sans doute pris la sanction la plus sévère jamais appliquée en France : suspension de 50 autocars (sur 450 environ)
pendant 3 mois, au printemps, la meilleure saison de l’année.
Du jamais vu !
Je ne trahis pas là un secret, puisqu’on en a parlé sur FR 3 aux infos régionales !
Le président s’adressa aux membres de la Commission :
" Donnez moi des arguments, car avec une pareille demande de sanction, je vais être obligatoirement convoqué chez le Préfet Régional ".
C’est bien la profession (salariés et patrons), et sûrement pas le pauvre représentant des Usagers, qui a apporté ses arguments pour justifier une sanction aussi sévère. Le Préfet l’a entériné.

Mon sentiment au bout de deux ans : les routiers français sont très encadrés.
La profession joue parfaitement le jeu, et semble en osmose avec une réglementation qui a souvent été négociée avec elle. Elle est la première à
vouloir faire le ménage pour se débarasser des brebis galeuses.
Les sanctions pleuvent comme à Gravelotte, et progressivement les têtes qui dépassent rentrent dans le rang, d’autant qu’une société sanctionnée est
certaine de revoir les contrôleurs de l’État avant peu (la preuve en est que nous avons de nombreux cas de double comparution).

Tout le monde y trouve son intérêt :
- les salariés : il n’est jamais bon de travailler chez un négrier, et dans la plupart des cas, les négriers sont également ceux qui payent le plus mal
et transgressent les lois
- les patrons : les brebis galeuses contribuent à dégrader les conditions d’une concurrence loyale
- la société : la normalisation de la profession va dans le sens de la légalité et de la sécurité

Je suis plutôt surpris du bon climat qui règne entre les 3 grandes fédérations patronales (tout au moins à la Commission). Leur théorie est qu’il y a de la place au soleil pour tout le monde, à condition que "tout le monde" se comporte de manière correcte. Les francs-tireurs sont vite repérés et mis en quarantaine.
La société d’autocars qui a écopé de la fameuse sanction historique, a sans doute été victime en réalité d’un sérieux "retour de manivelle" de la
profession, suite à ses multiples comportements déloyaux.
Un sérieux avertissement, avec frais payés comptant.

Par contre, les routiers français semblent avoir beaucoup de ressentiments envers les sociétés étrangères, qui ne sont pas toujours soumises aux mêmes
contingences d’encadrement.
À leur point de vue, la concurrence est faussée.
Les routiers français ne demandent pas un retour en arrière, ni de bénéficier des mêmes largesses que les étrangers. Ils demandent que la méthode française
s’applique aux autres pays européens. là où les pouvoirs publics locaux semblent plus laxistes que chez nous.
Pourtant, les routiers étrangers n’osent pas trop défier les policiers français, qui ont pris l’habitude de faire payer sur le champ de très fortes
amendes, sous menace d’immobilisation du véhicule, mais au vu de la faiblesse des effectifs de la police routière, les chances de passer entre les mailles
du filet sont grandes.
Malgré tout, le "mouchard" électronique va sans doute beaucoup contribuer à redresser la situation.

Je ne dis pas que la situation est idyllique chez les routiers, mais je suis étonné de voir avec quel sérieux les membres de la Commission font leur travail.
Alors, un seul conseil, pour le court terme : avant de décrier les routiers en cas d’affaire grave, regardez d’abord la nationalité du camion, puis celle du chauffeur.

Messages

  • Témoignage fort interessant. Je ne suis pas sûr que le "ménage" soit toujours aussi irréprochable au sein de la profession des transporteurs routiers (des chauffeurs m’ont confié des pratiques d’abus constants de certains employeurs par rapport aux horaires ). Il reste à faire aussi chez les ambulanciers,,,où c’est parfois celui qui respecte le moins la réglementation qui rachète les petits avec les marges illégales qu’il amasse ainsi...., mais c’est un peu hors-sujet.

    Il faudrait féliciter les gendarmes de bien faire leur boulot, notamment par rapport à la concurrence déloyale étrangère...contrepartie de la liberté de les critiquer quand ils font la récolte de sous sur infractions inoffensives (sur ordres bien sûr), alors qu’ils ont mieux à faire.