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La liaison Lyon-Turin impose des choix politiques (FNAUT)

par Jean Sivardière, président de la FNAUT (Fédération nationale des associations d’usagers des transports)

mercredi 2 août 2006


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Pour débattre :
Lyon-Turin : Pour ou contre ?


Le projet de liaison ferroviaire transalpine Lyon-Turin est ambitieux : il comporte une section internationale constituée d’un tunnel à grand gabarit de basse altitude, long de 53 km, entre Saint-Jean-de-Maurienne et l’Italie, complétée côté français par un nouvel itinéraire ferroviaire entre Ambérieu-en-Bugey, Lyon et la Maurienne. L’objectif essentiel est de reporter sur le rail une part importante du trafic routier franco-italien : 25 millions de tonnes par an transitent par les tunnels du Mont-Blanc et du Fréjus et 18 par Vintimille (8 seulement passent sur le rail) ; les trafics Nord-Sud stagnent depuis dix ans mais leur croissance future ne peut être exclue et les trafics Est-Ouest se développent rapidement. Objectif secondaire : faciliter les relations ferroviaires des voyageurs, aujourd’hui déplorables, entre la France et l’Italie.

La voie ferrée dite "historique" Ambérieu-Modane-Italie fait l’objet de travaux importants qui porteront sa capacité de 12 à près de 20 millions de tonnes. Mais elle restera difficile et coûteuse à exploiter, en raison de son tracé sinueux, de son profil (des pentes de 3 %, un tunnel de faîte culminant à 1 300 m), de son gabarit limité, de son environnement (elle longe le lac du Bourget et traverse les agglomérations d’Aix-les-Bains et Chambéry), enfin d’un important trafic régional de voyageurs dont le renforcement est nécessaire.

Le projet Lyon-Turin est donc bien justifié techniquement, car il rend possible un basculement du trafic routier sur le rail comparable à celui du trafic aérien sur le TGV. Sa réalisation peut cependant déboucher sur un double fiasco : un report modal très limité malgré une offre ferroviaire devenue très performante, et un vaste gaspillage d’argent public pénalisant les autres projets ferroviaires, extension du réseau TGV et régénération du réseau classique, dont la moitié est dans un état catastrophique comme l’a confirmé le récent rapport Rivier.

Vu son coût (près de 7 milliards d’euros pour la seule section internationale), le projet n’a en effet de sens que s’il associe une volonté politique forte de transférer massivement le trafic routier sur le rail à un investissement ferroviaire dimensionné en conséquence. Or cette volonté est aujourd’hui absente. L’Etat continue ainsi à pousser les projets d’autoroute A48 Ambérieu-Bourgoin et de rocade autoroutière de Chambéry, qui faciliteraient l’accès des poids lourds au Fréjus. Une politique compatible avec le projet Lyon-Turin suppose au contraire :
- l’abandon définitif des projets routiers directement concurrents, en accord avec la Convention alpine signée par notre pays ;
- un assainissement du trafic routier en luttant contre la fraude (vitesses, charges, temps de conduite des chauffeurs) pratiquée par de nombreux transporteurs ;
- enfin l’instauration d’une redevance écologique sur le trafic routier, dont le produit serait affecté au financement du projet ferroviaire, selon le modèle adopté en Suisse il y a déjà douze ans. Cette troisième condition est essentielle : une redevance routière permettrait à la fois de dégager un financement spécifique du Lyon-Turin sans peser sur les possibilités de financement des autres projets ferroviaires, et de le rentabiliser en relevant le prix du transport routier. Seule une politique cohérente, en France comme en Italie, peut assurer le succès économique et environnemental du projet Lyon-Turin. Seule, d’ailleurs, elle est susceptible de convaincre les opposants italiens, dont certaines craintes sont mal fondées - la présence d’amiante et de minerais radioactifs a été bien maîtrisée lors du percement des tunnels ferroviaires suisses du Lötschberg et du Gothard - et qui, en l’absence d’informations objectives sur la nature du projet, ignorent la possibilité de réduire le trafic routier.

Les enjeux locaux et globaux sont pourtant fondamentaux : à la fois de réduire les risques d’accidents et les nuisances devenues insupportables dans les vallées alpines et sur les itinéraires d’accès, de limiter notre dépendance pétrolière et de contribuer à l’objectif fixé par le plan climat, une réduction d’un facteur 4 de nos émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2050.

(Texte publié par Le Monde le 2/08/2006)

Messages

  • beaucoup de contrevérités, ou d’approximations dans le texte de sivardière : la preuve ci dessous.
    Ce projet pharaonique, lancé il y a 20 ans et dont les certitudes s’émiettent au fil du temps amène une évidence : peu à peu les thèses que nous avancions deviennent des réalités.
    Nous avions dit que le prix de ce projet serait de l’ordre de 25 milliards d’euros.
    - Or au fur et à mesure du temps qui passe, les prévisions des plus optimistes se rapprochent de notre chiffre.
    Nous avions dit que le million de voyageurs du « bassin genevois » qui englobe non seulement Genève, mais Annemasse, Annecy, Aix les Bains, iraient directement à Paris, sans passer par Lyon.
    - Or la ligne des Carpates, financée en partie par le Canton de Genève, a été modernisée et sera inaugurée avant la fin 2010. Dés cette date, les TGV iront directement de Genève vers Paris ou Lyon.
    Nous avions dit que le fret ferroviaire ne subirait pas les augmentations de trafic que les promoteurs du Lyon Turin prévoyaient.
    - Or force est de constater que le nombre de camions circulant en Maurienne est, soit en régression, soit se maintient aux mêmes chiffres qu’il y a 20 ans.
    Il passe le double de camions dans les Pyrénées que dans les Alpes, ainsi qu’on peut le découvrir sur le site du sénat. (En 1999 4,6 millions dans les Pyrénées, pour 2,6 millions de poids lourds sur les trois autoroutes franco italiennes.)
    Nous avions dit qu’il n’y avait pas d’intérêt pour le trafic provenant d’Espagne ou du sud de la France, à remonter jusqu’à Lyon.
    - Or la région PACA vient de lancer les études afin de faire réaliser une liaison ferroviaire à Montgenèvre, ce qui permettrait, en réduisant la distance, d’éviter Lyon pour atteindre l’Italie.
    Nous avions dit que les marchandises provenant du Nord de l’Europe, et de l’Angleterre n’avaient pas intérêt à descendre jusqu’à Lyon.
    - Or Eurotunnel vient de lancer une liaison de fret ferroviaire entre l’Angleterre et l’Italie, et la liaison passe par Lille, Metz, Bâle et Milan, puis Turin, discréditant un peu plus le projet LTF.
    Nous avions dit que les tunnels suisses capteraient les marchandises espérées sur le Lyon Turin
    - Or le St Gothard, dont le chantier se termine en 2016, et le Lötschberg inauguré en juillet 2007, ou le Simplon s’inscrivent dans un projet européen réaliste, occultant le Lyon Turin.
    Nous avions dit que les français préféraient, en modernisant l’existant, de bonnes liaisons régionales (TER) à la création d’une « LGV » dont le bien fondé n’est pas été prouvé.
    - Or le travail de Michel Martin, expert en génie civil démontre que, pour le fret, il est bien plus efficace et avantageux de moderniser la voie historique Ambérieux, Fréjus (qui passe par Aix les bains) que de gaspiller des fortunes pour une voie nouvelle.
    - Or les travaux entrepris par RRF entre Culoz (pont sur le Rhône, tunnel du Fréjus, électrification de Valence-Grenoble et le doublement des voies à faire de la ligne Lyon-Chambéry) permettent, avec une technologie adaptée, d’atteindre les objectifs attachés au LTF.
    - Or Alain Margery en nous présentant le concept (R-shift-R) en démontre la faisabilité.
    - Or le Grenelle de l’environnement est à l’origine d’un décret qui impose la modernisation de l’existant s’il est en capacité de rendre les mêmes services que la création d’une voie nouvelle. (Texte voté par le sénat le 3 aout 2009).
    Nous avions dit qu’il fallait intégrer mieux Grenoble au trafic régional en remettant en œuvre l’ex ligne de Bièvre (propriété de RFF), la raccordant à la ligne LGV Lyon Valence.
    Or la FNAUT en fait la promotion.
    On voit donc que des solutions alternatives et rentables ne manquent pas.
    Revenons aux LGV.
    Aujourd’hui un large front d’opposants aux Lignes LGV, s’est crée, lorsqu’il est prouvé qu’elles ne sont ni nécessaires, ni rentables.
    - C’est le 23 janvier 2010 qu’a été signée la Charte d’Hendaye.
    Cette coordination internationale englobe maintenant l’Italie, Allemagne, Espagne et France.
    Des centaines d’associations (dont la nôtre) s’y rencontrent et échangent régulièrement des informations pour rendre cohérentes leurs réflexions et leurs actions au niveau européen.
    - Le 18 mai 2010, des signataires de la « Charte de Hendaye » se sont fait entendre au Parlement Européen de Strasbourg.
    - Le 25 septembre 2010, à la demande des élus d’Europe écologie, une rencontre avec les associations a fait émerger des convergences.
    - Le 11 décembre 2010, les centaines d’associations qui luttent contre les mauvais projets mèneront des actions de tout genre pour contester des lignes LGV dont le bien fondé n’est pas prouvé.
    FNE (France Nature Environnement) vient d’ailleurs de communiquer sur ce thème reprochant à la SNCF de ne pas répondre aux attentes de 90% des Français qui préfèrent de loin des liaisons régionales rapides aux bruyants et inutiles TGV.
    Localement, nous venons de faire une avancée essentielle : ayant été invités le 31 aout 2010 par la municipalité de La Motte Servolex, nous avons exprimé notre point de vue à son maire, et aux membres de son conseil présents ce jour là, lesquels ont semblé en phase avec notre position.
    Or si la Motte Servolex décide de refuser le projet TGV sur le territoire de sa commune avant la déclaration d’utilité publique, le verrou créé pourrait compromettre le projet dans son ensemble.
    - La bataille du rail sera perdue si RFF, la SNCF, et les pouvoirs publics ne changent pas d’orientation.
    - En tout cas, pas de doutes, le projet Lyon Turin est un projet ringard, prétentieux, et coûteux, comme la plupart des projets LGV actuels.
    Olivier Cabanel Président de la coordination ain dauphiné savoie face aux projets de liaisons transalpines