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Les projets autoroutiers sont anachroniques (FNAUT)

samedi 29 juillet 2006

Intervention de Jean Sivardière, président de la FNAUT (Fédération Nationale des Associations d’Usagers des Transports) dans le débat public VRAL (Vallée du Rhône, Arc Languedocien), Avignon, 20 juillet 2006


Biblio : le document ci-dessous a été communiqué à hyperdébat par la FNAUT. Si vous en contestez certains points ou si vous souhaitez apporter votre contribution, il est préférable de le faire dans le forum attaché à l'un des "débats" en cours.

Pour débattre :
Peut-on parier sur des percées technologiques ?
Comment faire baisser la consommation ?
Que changer dès maintenant dans nos modes de vie, de consommation ?


Pour la FNAUT, qui est à la fois une association de consommateurs et une association de défense de l’environnement, comme pour bien d’autres associations, il faut tenir compte en priorité des deux paramètres qui constituent (avec l’explosion de l’endettement de notre pays) des contraintes radicalement nouvelles qu’on ne peut prendre à la légère : le pétrole et le climat. Pour le pétrole, on est passé d’une crise conjoncturelle de l’offre dans les années 70 à une crise structurelle durable de la demande. Quant au dérèglement climatique, il se précise et présente même des signes d’emballement.

Recommandation 1

Pour sortir de la dépendance pétrolière, enrayer l’évolution climatique en cours et limiter les nuisances locales impliquant des atteintes à la santé, il ne faut pas se focaliser uniquement sur les progrès « prévus » de la technologie, pour au moins trois raisons :
- Ces progrès sont, par nature, incertains
- Ils peuvent, comme les biocarburants, présenter des effets pervers
- Ils sont, pour une part importante, annihilés par la croissance des trafics

On ne peut donc se reposer béatement sur la technologie (comme le dit un expert pétrolier respecté, M. Laherrère, « la technologie, c’est trop souvent du baratin sur la technique »). Il est indispensable de provoquer des changements de comportements grâce à de nouvelles politiques publiques.

Recommandation 2

Il faut abandonner une fois pour toutes les projets autoroutiers (et remettre en cause le programme très copieux de projets routiers adoptés par le CIADT du 18 décembre 2003 car ce type de projets a déjà échoué.

Je résume nos arguments :
- Les prévisions de trafics ne font qu’extrapoler les tendances passées en se basant sur des modèles validés par l’expérience passée, elles ne peuvent par nature intégrer d’éventuelles ruptures du contexte ou des politiques publiques
- Augmenter les capacités routières est une mauvaise réponse technique à la congestion. Plus on en fait, plus il faut en faire (deux ans après le CIADT, on imagine déjà de nouvelles autoroutes)
- Les coûts externes de la route sont largement sous-estimés et pèsent lourd sur l’économie. Si le trafic augmentait de 40%, ils deviendraient insupportables
- Enfin les projets autoroutiers sont anachroniques, car incompatibles avec le facteur 4.

Recommandation 3

Que faire pour éviter de nouvelles autoroutes ? On peut gérer mieux les capacités routières existantes, mais l’essentiel est de provoquer des transferts massifs de trafic routier sur les modes vertueux. L’efficacité de cette démarche ne doit pas être sous-estimée.

  1. Les milieux routiers (voir le dernier ouvrage de Christian Gérondeau) affirment que les différents modes de transports ne sont pas des vases communicants, mais c’est faux. Des reports de trafics s’effectuent si les conditions de concurrence entre modes sont modifiées par des investissements, des initiatives commerciales, ou encore une évolution de la réglementation ou de la tarification.
    On a pu ainsi observer depuis vingt ans un basculement de l’avion sur le TGV et, plus récemment, un report très sensible de la voiture sur le TER.
  2. La panoplie des alternatives à la route présente d’énormes possibilités, encore peu exploitées faute d’infrastructures de capacité suffisante ou d’adaptation de l’offre aux besoins des particuliers et des entreprises. Il n’y a riern à inventer, il faut copier ce qui marche ailleurs. Plus précisément, sur l’axe VRAL :
    - pour les voyageurs , on peut développer les transports urbains et les transports par autocar et faire circuler davantage de trains grandes lignes et TER car les agglomérations à desservir forment une configuration très favorable : elles réparties sur un axe unique et non éparpillées sur un territoire (je suis venu ici en voiture, parce que je n’ai pas de train pour rentrer ce soir chez moi à Grenoble)
    - pour les marchandises, la voie d’eau peut jouer un rôle important car elle dispose de fortes réserves de capacité. Mais c’est surtout le rail qui peut décharger massivement la route sur l’axe Luxembourg-Perpignan. Encore faut-il voir grand pour le rail, comme on l’a fait jusqu’ici pour la route. Le rail ne pourra être efficace que s’il dispose d’infrastructures nouvelles très performantes. Mais il faut aussi moderniser tout le réseau existant.

    Recommandation 4

    Développer les alternatives à la route ne suffit pas, il faut aussi maîtriser la route :
    - Il faut réduire les vitesses, les avantages sont multiples
    - Il faut lutter contre la fraude dans le transport de fret (vitesses, charges, temps de conduite), car elle accroît la compétitivité de la route par rapport au rail
    - L’argent public est devenu rare. Il faut concentrer l’argent disponible sur les investissements alternatifs à la route. Comme le disait Alfred Sauvy, « il n’y a qu’une caisse et on ne dépense son argent qu’une fois ». Deux milliards d’euros gaspillés pour construire l’A51, c’est 150 km de LGV en moins
    - Enfin il faut taxer l’automobile en ville (péage urbain) et le camion (RPLP), et affecter le produit des taxes aux modes vertueux selon le modèle londonien ou suisse. La route ne réussit que parce qu’elle est subventionnée par la collectivité.

    Recommandation 5

    Dernier point : peut-on réduire la mobilité ? C’est difficile mais on peut agir.
    Pour les marchandises, la sous-tarification du transport routier joue un rôle clé et l’instauration d’une RPLP contribuerait à la corriger.
    Pour les personnes, le point clé est l’étalement urbain, contre lequel on peut agir en densifiant les villes (on sait le faire sans entasser), en corrigeant les effets pervers de la fiscalité et en créant une autorité politique unique couvrant chaque bassin de vie. Quant aux pointes de trafic quotidiennes ou saisonnières, le rapport de Jean Ravel remis à Michel Rocard vers 1990 avait tout dit, mais je ne sais dans quel placard il a été rangé.

    En conclusion

    On ne peut pas aborder les problèmes de 2020 avec la mentalité de 1960 car, comme le disait Aldous Huxley, « les faits ne cessent pas d’exister parce qu’on les ignore ». On ne peut se contenter aujourd’hui d’apporter des correctifs modestes à la politique des transports : c’est une remise en cause fondamentale qui est nécessaire et urgente. Cette remise en cause doit porter à la fois sur le choix des infrastructures, sur la réglementation des trafics et sur leur tarification. Pendant trop longtemps, la politique de l’Etat et des collectivités territoriales s’est résumée ainsi : la route on élargit, le rail on réfléchit. Aujourd’hui il faut exactement faire le contraire et, pour les zones urbaines, suivre sans attendre la recommandation du préfet de la région parisienne Maurice Doublet : « dimensionner les TC pour les heures de pointe et la voirie pour les heures creuses ».

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