Cour des comptes : aligner progressivement les taxes sur le gazole et l’essence

La Cour des comptes a rendu public le 1er mars 2013 le référé 65241 adressé le 17 décembre 2012 au gouvernement, ainsi que la réponse de celui-ci.

Les arguments de la Cour des comptes :

 Perte de recettes fiscales : 6,9 Md € en 2011, de l’ordre de 8 Md € si on intègre les répercussions du différentiel sur le coût des exonérations ou taux réduits sur le gazole.
 La différence de consommation entre diesel et essence s’est fortement réduite. Selon l’ADEME, les véhicules diesel neufs consomment en moyenne 4,8 l/100 km, contre 5,6 pour les véhicules à essence.
 Les émissions de CO2 produites par un véhicule diesel sont du même ordre que celles produites par un véhicule à essence.
 La diésélisation du parc a un impact négatif sur l’industrie du raffinage, qui produit trop d’essence et trop peu de gazole, et donc sur la balance commerciale.
 La diésélisation du parc a un impact négatif sur la santé, du fait des émissions de particules fines et de dioxyde d’azote.
 Le différentiel de taux de TIC en faveur du gazole va à l’encontre des objectifs du plan particules adopté en juillet 2010 pour se mettre en conformité avec les normes de qualité d’air ambiant pour les particules fines.

La réponse de Delphine Batho, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie

La ministre est « favorable à une convergence progressive des fiscalités de l’essence et du diesel pour des raisons de santé publique » :

 Les particules liées au diesel sont reconnues cancérigènes par l’OMS depuis juillet 2012.
 40 000 décès prématurés par an attribués en France aux particules diesel
 Coût sanitaire annuel estimé entre 20 et 30 Md €.
 La France ne respecte pas la limite réglementaire européenne en vigueur depuis 2005. Le contentieux communautaire pourrait aboutir à des sanctions de l’ordre de 100 M € par an à partir de 2014.

Aux enjeux de santé publique, s’ajoute un enjeu économique, la diésélisation du parc entraînant un fort besoin d’importation de gazole.

La convergence progressive, pour être acceptée par les consommateurs et les entreprises, doit se traduire :
 soit par une diminution de la fiscalité de l’essence
 soit par des mesures d’accompagnement et de justice sociale, comme une aide au remplacement des véhicules anciens les plus émetteurs de particules par des véhicules peu polluants.

Cette question est étudiée par le Comité pour la fiscalité écologique mis en place le 18 décembre 2012. Ses recommandations ont été publiées le 18 avril 2013.

Commentaires de la rédaction

• La Cour des comptes ne vise que les véhicules légers, donc pas les poids-lourds (ni les véhicules agricoles ou les bateaux de pêche qui ont des régimes préférentiels). La ministre, dans sa réponse, ne parle que de « fiscalité du diesel », sans distinguer les utilisateurs.
• L’argument de la Cour des comptes selon lequel la consommation des voitures à essence est en train de rejoindre celle des voitures diesel renvoie à l’hypothèse implicite que c’est pour une raison d’économie d’énergie que la TIPP du gazole a été fixée en dessous de celle de l’essence. Mais d’autres raisons sont invoquées ailleurs :
  • ce serait sous la pression des professionnels de la route (routiers, taxis, VRP) que le gazole, principale source d’énergie de leur outil de travail, a été fiscalement encouragé. Audrey Garric, Le Monde, 01/03/2013
  • ce serait pour trouver un nouveau débouché au fioul dont la demande pour le chauffage domestique diminuait que le gazole a été boosté par une TIPP réduite. Les constructeurs automobiles ayant ensuite fortement amélioré à la fois les performances, l’image et l’intérêt économique du diesel, la part du diesel n’a cessé de progresser. Gilles Darmois.

Pour débattre : Faut-il aligner la taxation du gazole sur l’essence ?