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Infrastructures de transport : quelles priorités (FNAUT)

vendredi 27 septembre 2002

Jean Sivardière, président de la FNAUT
(Fédération Nationale des Associations d’Usagers des Transports)


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Texte intégral (retranscrit avec l’autorisation de son auteur) :

La remise à plat des grands projets d’infrastructures de transport, lancée par le ministre de l’Equipement, sera bénéfique si elle est l’occasion d’une approche globale et d’une réorientation décisive des priorités.
Le gouvernement Jospin a laissé s’accumuler les projets routiers, ferroviaires, aéroportuaires et fluviaux sans vérifier sérieusement leur pertinence économique, leur impact écologique, leur cohérence d’ensemble et les possibilités de financement. On voit où mène l’absence d’une direction unifiée des infrastructures au ministère de l’Equipement et d’une caisse intermodale de financement des infrastructures.

Les priorités doivent être définies non en fonction des contraintes budgétaires - il ne s’agit pas de dépenser plus, mais mieux - mais dans l’optique d’un développement supportable par notre environnement et notre économie.
Les investissements d’aujourd’hui sont les trafics de demain. Il faut tout d’abord éliminer les projets susceptibles de stimuler les modes de transport les plus énergivores et les plus agressifs pour l’environnement, route et avion.

L’extension d’un réseau autoroutier déjà très dense mène droit à une impasse. On l’observe depuis des années : sur les axes de transit nord-sud à fort trafic potentiel, les nouvelles autoroutes induisent, à terme, davantage de trafic qu’elles ne peuvent en écouler - plus on en fait, plus il faut en faire - et, sur les axes est-ouest, elles restent sous-utilisées.
Il faut en tirer la leçon et oublier l’A1 bis Lille-Amiens, le contournement autoroutier Ouest de Lyon, le doublement de l’A7 en vallée du Rhône par une infrastructure dédiée aux camions, l’A51 Grenoble-Sisteron (ce "canal Rhin-Rhône" des Alpes), l’A8 bis de la Côte d’Azur et l’A9 bis du Languedoc, sans parler de l’A89 Brive-Clermont et de l’A41, deuxième autoroute Annecy-Genève.

Un troisième aéroport parisien et de nouveaux aéroports en province sont eux aussi inutiles. Orly et Roissy disposent de larges réserves de capacité, et on peut y réduire les nuisances à trafic constant en suivant l’exemple d’Amsterdam. De plus, les deux-tiers des vols depuis ou vers Paris sont à courte distance, donc transférables à terme sur le rail, TGV et trains de nuit.

C’est donc la carte du rail qu’il faut jouer en priorité, en commençant par accélérer tous les investissements de modernisation et de capacité prévus sur le réseau classique dans les contrats de plan Etat-régions (ils ont pris du retard), ainsi que le contournement Est de Lyon, élément majeur de la "magistrale Ecofret" nord-sud devant relier le Benelux à la Méditerranée.
Le TGV-Est n’étant pas remis en cause, il faut hiérarchiser les autres projets TGV, tous utiles à terme. L’objectif est de capter du trafic aérien, de dégager le réseau classique pour les trains régionaux et les trains de fret, et d’assurer la continuité avec les projets de nos voisins européens.
Il est logique de privilégier les lignes nouvelles Tours-Bordeaux et Nîmes-Espagne. Dans le premier cas, on peut réduire le pont aérien mis en place entre Paris et le Sud-Ouest. Dans les deux cas, les axes autoroutiers sont des murs de camions et les axes ferroviaires sont saturés.

Nul ne peut contester l’urgence de la liaison transalpine Lyon-Turin pour le fret. Mais ce projet laisse encore subsister de nombreuses incertitudes techniques, économiques et financières, et il ne s’inscrit pas clairement dans un plan d’ensemble cohérent permettant d’endiguer le transit routier alpin. Le projet d’autoroute A48 Ambérieu-Bourgoin, dont une fonction essentielle est de faciliter l’accès des camions au tunnel routier du Fréjus et que le ministre Jean-Claude Gayssot a discrètement confirmé la veille de son départ, est-il compatible avec l’objectif d’un transfert massif du fret sur le rail ?

Un rôle accru de la voie d’eau ne passe pas aujourd’hui par la construction de canaux à grand gabarit, très coûteux et à l’efficacité douteuse, en particulier Seine-Nord qui n’est qu’un projet régional. En Allemagne, l’essentiel du trafic se fait sur le Rhin et ses affluents, et non sur les canaux inter-bassins. En France, on peut, sans investissements lourds, doubler le trafic sur la Moselle, le quadrupler sur la Seine et le décupler sur le Rhône.

Par contre le cabotage maritime, auquel les ports français sont déjà bien adaptés, et qui assure déjà plus de 40% des échanges de fret intraeuropéens, ne doit plus être oublié : ce dont il a besoin pour se développer - entre l’Espagne ou l’Aquitaine et l’Europe du Nord, entre Barcelone, Marseille et l’Italie - et réduire les flux routiers qui envahissent les Pyrénées et les Alpes, c’est d’aides prolongées au démarrage de lignes régulières.

Le gouvernement se trouve aujourd’hui au pied du mur.
Ou bien il saupoudre les crédits disponibles pour ne déplaire à personne, étoffe encore le réseau autoroutier, déplace une fois de plus le troisième aéroport parisien et abandonne quelques projets TGV tout en discourant sur le développement durable.
Ou bien, sans craindre de mécontenter tel ou tel lobby, en expliquant ses choix à l’opinion, il décide d’assumer les contraintes environnementales et il en prend les moyens en concentrant ses efforts financiers sur le rail, tout en introduisant une fiscalité écologique dans le secteur des transports, comme l’a fait la Suisse pour le transport du fret.

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Voir également :
Rapport d’audit sur les grands projets d’infrastructures de transport