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Laïcité « à la belge »

vendredi 28 décembre 2012

Peut-on parler de laïcité en Belgique, alors que les pouvoirs publics financent assez largement les cultes, comme en Alsace-Moselle ? Sans doute pas, mais ce pays a poussé assez loin le principe de neutralité de l’État en soutenant une « laïcité organisée ».

La Belgique se définit comme un État neutre. Cette neutralité, distincte de la laïcité « à la française », se traduit par la reconnaissance de certaines religions et organisations non confessionnelles. Cette reconnaissance s’accompagne du financement du culte ainsi que de l’organisation dans les écoles de cours issus de ces religions ou options philosophiques [1], le salaire des enseignants étant à charge de l’État.

Pour être reconnu, une religion doit satisfaire à certains critères :
- regrouper un nombre significatif de fidèles ;
- disposer d’un organe qui représente le culte concerné dans ses rapports avec les autorités ;
- être établi dans le pays depuis plusieurs décennies ;
- avoir une utilité sociale ;
- ne développer aucune activité contraire à l’ordre social.
C’est le ministre de la Justice qui examine les demandes de reconnaissance.

Au titre de l’article 181 § 1er de la Constitution belge, sont reconnus les cultes catholique [2], protestant, anglican, orthodoxe, juif et musulman.
L’Union Bouddhique Belge a introduit en 2006 une demande de reconnaissance officielle du bouddhisme comme philosophie non confessionnelle.

La « laïcité organisée »

En 1993, cette disposition de la Constitution belge a été étendue à « des organisations reconnues par la loi qui offrent une assistance morale selon une conception philosophique non confessionnelle », regroupées sous le vocable de « laïcité organisée ». Dans ce sens, un « laïque » est quelqu’un qui souscrit au principe du libre examen, c’est-à-dire au rejet de toute vérité révélée.

Certaines de ces associations offrent une assistance morale selon une conception philosophique non confessionnelle et constituent donc une alternative aux aumôneries dans les hôpitaux, les prisons, à l’armée ou dans la cité. Elles peuvent également organiser localement des cérémonies pour ceux qui demandent à célébrer ou socialiser certains moments clés de l’existence, sans recourir aux rituels d’une religion :
- le parrainage (à l’occasion de la naissance d’un enfant)
- la fête de la jeunesse laïque
- le mariage laïque (distinct du mariage civil)
- les funérailles laïques

Un coût de 54 € par an et par habitant

Les deux sources principales de financement public sont la prise en charge des salaires des ministres des cultes par l’Etat fédéral et le financement des communautés locales (fabriques d’églises et assimilées) par les communes et les provinces. Elles totalisaient à elles seules 225 millions d’euros en 2007. S’y ajoutent d’autres formes de financement public qui portent le montant global des interventions des pouvoirs publics en faveur des cultes à 299 millions d’euros.

Salaires des ministres des cultes 103
Fabriques d’églises et assimilées 123
Aumôneries et conseillers moraux dans les prisons, à l’armée ou dans les hôpitaux + émissions religieuses radio/TV 8
Exonération de précompte immobilier pour les édifices affectés au culte 13
Pensions des ministres des cultes et subsides pour le patrimoine classé 35
Total (millions €) 299

Par ailleurs, en application des dispositions du Pacte scolaire, les Communautés financent les cours dits philosophiques – à savoir les cours de religion ou de morale laïque – dans les établissements scolaires du réseau officiel. Une estimation pour l’année 2000 faisait état d’un coût de près de 272 millions d’euros, pour l’ensemble des réseaux dans les trois Communautés.
Au total, les financements en faveur des cultes et de la laïcité organisée s’élèvent à environ 570 millions d’euros, soit 54 € par an et par habitant (à titre de comparaison, un habitant d’Alsace-Moselle sous régime concordataire bénéficie de 31 € par an).

Le modèle belge doit évoluer

La part adjugée au culte catholique est jugée excessive par certains qui souhaiteraient « une plus grande corrélation entre ce que chaque courant reçoit et les besoins de la population ». L’Eglise catholique reçoit en effet 86% des subventions (hors cours « philosophiques »), la laïcité organisée 8%, les cultes protestant, anglican, orthodoxe, israélite, musulman se partageant les 4% restants.
Selon Caroline Sägesser, le système actuel, « conçu pour l’Eglise catholique, a du mal à s’adapter tant au pluralisme de la société qu’à l’évolution institutionnelle de l’Etat fédéral » :
- L’élargissement à l’Islam ou aux nombreuses Eglises Évangéliques s’est heurté à la difficulté pour les pouvoirs publics de trouver des interlocuteurs. Par ailleurs, l’absence d’une législation organique établissant les conditions d’accès au financement laisse trop de place à l’arbitraire [3].
- Des évolutions divergentes se font jour en Flandre et en Wallonie.

Des recommandations ont été faites en 2006 par une Commission des sages, mais sont restées lettre morte.

Sources :
- Wikipedia : Religion en Belgique, Laïcité organisée
- Un modèle inadapté, Caroline Sägesser et Le financement public des cultes et de la laïcité, Jean-François Husson in La Belgique et ses cultes, Politique N°52, décembre 2007
- Le financement public des cultes en France et en Belgique : des principes aux accommodements, Caroline Sägesser


[1Pour ceux qui ne se reconnaissent d’aucune religion ou philosophie, sont dispensés des cours obligatoires de morale non confessionnelle

[2Il n’y a pas de Concordat entre la Belgique et le Vatican

[3Actuellement, selon un prêtre catholique belge interrogé par hyperdebat, « le calcul se fait de façon différente pour les catholiques et pour tous les autres :
- En fonction d’un nombre global d’habitants, l’Eglise catholique a droit à un nombre de paroisses desservies par un ou plusieurs prêtres : le curé est payé par le ministère de la Justice (service des Cultes) au même rang qu’un “rédacteur” (un vicaire a un peu moins). Selon ce que me dit une fonctionnaire de ce Service Public Fédéral, être curé d’une seule paroisse permet difficilement de joindre les deux bouts, s’il n’y a pas d’autres ressources (comme une 2ème paroisse, ce qui donne non pas deux traitements, mais un petit supplément) et si l’on tient compte des frais d’une auto, de livres, etc. Le cadre n’est évidemment pas complet pour le moment, étant donnée la pénurie de prêtres. Quelques laïcs, dénommés “assistants paroissiaux”, je crois, ont droit à la même rémunération (un nombre très limité par diocèse).
- Tous les autres sont payés sur base du nombre de fidèles, mais je ne sais pas comment ce nombre est déterminé. Je peux cependant préciser que les imams reconnus sont plus payés que les prêtres catholiques. A noter ici que toutes les mosquées sont loin d’être reconnues : je crois que, sur les +/- 80 mosquées de Bruxelles, il n’y en a pas un tiers dont les imams sont actuellement rémunérés par l’Etat. »